Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/311

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ACTE 4 SCENE 6


Zéangir, Osman.


ZÉANGIR.


Arrêtez un moment.
C’est vous qui, de mon frère accusant l’innocence,
contre lui du sultan excitez la vengeance.
Je lis dans votre cœur, et conçois vos desseins ;
vous voulez par sa mort assurer mes destins,
et des piéges qu’ici l’amitié me présente
garantir par pitié ma jeunesse imprudente.
Vous croyez que vos soins, en m’immolant ses jours,
m’affligent un moment pour me servir toujours ;
que, dans l’art de régner, sans doute moins novice,
je sentirai le prix d’un si rare service,
et que j’approuverai dans le fond de mon cœur
un crime malgré moi commis pour ma grandeur.


OSMAN.


Moi ! Seigneur, que mon âme à ce point abaissée…


ZÉANGIR.


Vous le nîriez en vain, telle est votre pensée.
Vous attendez de moi le prix de son trépas,
et même en ce moment vous ne me croyez pas.
Quoiqu’il en soit, visir, tâchez de me connaître :
d’un écueil à mon tour je vous sauve peut-être ;
ses dangers sont les miens, son sort sera mon sort,
et c’est moi qu’on trahit en conspirant sa mort.