Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/318

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à Nessir.
si l’on s’armait pour moi, si l’on forçait
l’enceinte…
tu frémis, je t’entends… d’où peut naître leur
crainte ?
Leur crainte ! On l’espérait : cet espoir odieux
le visir l’annonçait, le portait dans ses yeux.
S’il ne s’en croyait sûr, eût-il osé m’instruire ?
Viendrait-il insulter l’héritier de l’empire ?
Comme il me regardait, incertain de mon sort,
mendier chaque mot qui me donnait la mort !
Et j’ai dû le souffrir, l’insolent qui me brave !
Le fils de Soliman bravé par un esclave !
Cet affront, cette horreur manquaient à mon destin ;
après ce coup affreux, le trépas… mais enfin
qui peut les enhardir ? Quelle est leur espérance ?
Qu’on attaque l’enceinte ? Et sur quelle apparence…
est-ce dans ce sérail que j’ai donc tant d’amis !
Parmi ces cœurs rampans, à l’intérêt soumis,
qu’importent mes périls, mon sort, ma renommée ?
C’est le peuple qui plaint l’innocence opprimée.
L’esclave du pouvoir ne tremble point pour moi :
à Roxelane ici tout a vendu sa foi…
quel jour vient m’éclairer ? Si c’était la
sultane…
ce crime est en effet digne de Roxelane.
Oui, tout est éclairci. Le trouble renaissant,
le peuple épouvanté, le soldat frémissant,
c’est elle qui l’excite : elle effrayait mon père,
pour surprendre à sa main cet ordre sanguinaire.
Les meurtriers sont prêts, par sa rage apostés ;
des coups sont attendus ; les momens sont comptés.
Grand dieu ! Si le malheur, si la faible innocence
ont droit à ton secours non moins qu’à ta
vengeance ;