Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE
MARCHAND DE SMYRNE
COMÉDIE.
Scène première.
HASSAN, seul.
On dit que le mal passé n’est qu’un songe ; c’est bien mieux, il sert à faire sentir le bonheur présent. Il y a deux ans que j’étais esclave chez les chrétiens, à Marseille ; et il y a un an aujourd’hui, jour pour jour, que j’ai épousé la plus jolie fille de Smyrne. Cela fait une différence. Quoique bon musulman, je n’ai qu’une femme. Mes voisins en ont deux, quatre, cinq, six, et pourquoi faire ? La loi le permet… heureusement, elle ne l’ordonne pas. Les Français ont raison de n’en avoir qu’une ; je ne sais pas s’ils l’aiment ; j’aime beaucoup la mienne, moi. Mais elle tarde bien à venir prendre le frais. Je ne la gêne pas. Il ne faut pas gêner les femmes. On m’a dit en France que cela portait malheur… La voici.