DE CHAMFORT. l83
LA PRUDE.
Amour et pruderie Eurent toujours quelque léger débat ; La dame par orgueil donne à tout de l'éclat; Puis, je ne sais comment elle fait sa partie , Elle finit toujours par avoir le dessous.
« A propos de cela, messieurs, connaissez-vous La prude Arsinoé ? — Qui ? cette présidente
Dont le cœuf a quinze ans , le visage quarante ? — Précisément; veuve depuis trois mois ,
On la voit convoler pour la troisième fois. Dorval , hier , a fait cette conquête ; Il est intéressant; Chez le peuple insurgent , Il abattit la tête De maint et maint forban ;
Et troqua ses deux bras contre un double ruban.
Je ne vous peindrai pas la modeste grimace ,
Qu'en prononçant son oui, notre bégueule fit.
Après bien des façons, la voilà dans son lit ;
De ceci , de cela , je vous fais encore grâce ;
Le désir, sous le lin, comme un zéphj^r léger,
Circule en murmurant ; c'est l'heure du berger.
L'époux était de feu, l'épouse résignée
Dédiait ses soupirs au dieu de l'hyménée,
Quand.... hélas ! — Vous riez? Ah ! plaignons-les plutôt.
Si faudrait-il au moins qu'hymen ne fut manchot.
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