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sirs, et de pousser la cruauté jusqu'à se nier eux- mêmes leurs jouissances intérieures. Nous n'avons déjà pas trop de grands hommes ; et d'ailleurs , on n'élève personne en abaissant un rival. Recon- cilions donc deux écrivains que la postérité sem- ble avoir voulu brouiller, et qui, s'ils eussent été contemporains, se seraient admirés et se seraient complus dans la gloire l'un de l'autre. Racine et Rousseau sont des modèles que peut-être on n'é- 2;alera jamais. Etudions-les ; voilà l'hommage que leur doivent leurs partisans respectifs ; et rappe- lons-nous que le plus grand ennemi de notre ly- rique, son censeur le plus injuste, a cependant dit de lui , dans un de ses moniens où la haine ji'usurpait pas les droits de la vérité :

��« Tu vis sa muse

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Manier d'une main savante, De David la lyre imposante , Et le flageàlet de Marot. »

( Temple du goût. )

Ce qui distingue surtout Racine et Rousseau de tous les autres poètes, c'est qu'ils ont presque toujours cette pureté de style et cette finesse de goût qui les rendent classiques , et qui font qu'on peut se livrer sans réserve à la lecture de leurs ouvrages. Tous deux ils ont écrit avec la correction de Boileauj mais ils avaient de plus l'imagination et la sensibilité , que celui-ci n'avait pas. En géné- ral cependant, si l'on veut une idée juste de la

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