Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t5.djvu/407

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DE CHAMFORT. J4OI

n'est presque pas un bon cœur. Il y a peu de déli- catesse à se personnifier dans un sentiment hai- neux et vil; au lieu que votre mot, qui est trop vrai , est la saillie aimable d'un homme qui n'a pas été pris pour dupe, et qui aime trop ses vrais amis pour ne pas rire beaucoup de ceux qui pren- nent ce titre. Mais j ai peur qu'en ce genre, comme en beaucoup d'autres, il n'y faille pas regarder de trop près: car on s'appauvrirait , beaucoup plus qu'il n'est possible d'y résoudre même la philoso- phie. Bon dieu! à quels sacrilèges j'ai surpris, dans ces derniers temps, les personnes qui parlent le plus éloquemment d'amitié ! Je ne m'accoutumerai ja- mais à ces théories que la conduite dément ; mais il faut que je m'arrête , car ce que j'aurais à vous dire ne peut pas s'écrire. Ce n'est pas que si j'a- vais à vous dénoncer un fait important , je ne sau- tasse le fossé. Mais ce n'est point dans votre cœur que j'ai à vous blesser ; et votre tète est si sage, que vous sonderez le terrain même sur lequel vous êtes le plus habitué à marcher : et vous ferez bien. Il faut d'ailleurs , mon ami, une grande cir- conspection pour les faits; le trait infâme que vous m'apprenez ne l'enseigne que trop, puisqu'une simple transposition de dates a fait , dans la bou- che d'un méchant, d'une action honnête et pure ( qu'il n'a pu savoir que par mon bandit de laquais, qui , non content de tout me voler , épiait mes actions et mes discours à chaque instant de la journée), une malignité capable de compromettre

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