Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t5.djvu/422

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

i\ I G ŒUVRES

par un (îe leurs plus grands mérites mêmes, sont l3ientôt oubliés et perdus, serait un ouvrage très- précieux , et qui, fait avec scrupule, sans com- plaisance, sans négligence, sans précipitation, se- rait à peu près sur d'un succès d'estime moins rapide que les succès d'éclat, mais durable et tou- jours croissant. On délibère sur cette idée ; je la crois bonne : et si elle l'est, faites des vœux pour qu'elle soit acceptée ; car elle me vaudrait cin- quante louis par mois, et c'est plus qu'il ne me faut, même ici. Il est vrai que ce revenu serait acheté par un travail excessif et désagréable , en ce qu'il m'ôteraitle temps nécessaire pour la cul- ture de mes propres pensées ; mais je le regarde- rais comme un cours d'études à finir, lorsque la fortune voudra me rendre indépendant. Des hom- mes qui valaient mieux que moi, ont été condam- nés à des galères aussi mauvaises j et quand je me sens prêt à m'irriter , je me rappelle cet apologue arabe.

Je m'étais toujours plaint des outrages du sort et de la dureté des hommes ; je n'avais point de souliers, et je manquais d'argent pour en aclietei": j'allai à la mosquée de Damas, je vis un liomnie qui n'avait point de jambes. Je louai Dieu, et je ne me plaignis plus de manquer de souliers.

Si je n'avais pas une compagne de mon sort, une compagne aimable, douce, bonne, tendre, que sa beauté aurait infailliblement rendue riche, si ses excellentes qualités morales ne s'y étaient

�� �