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sur Chamfort.

croyant sa santé rétablie, avait oublié tous les maux que lui avait causés l’indigence. À cette gêne passagère d’achever une éducation, il préféra la liberté de ses goûts & de ses études. Laroche ne retira des démarches qu’il avait faites auprès de lui, pour l’engager dans cette bonne affaire, d’autre fruit qu’une tendre & réciproque amitié qui, ni d’une part ni de l’autre, ne s’est jamais démentie un instant.

L’ouvrage dont Chamfort était alors occupé, était l’Éloge de Molière, proposé pour sujet du prix d’éloquence par l’Académie Française : il s’y préparait par une étude approfondie de ce grand maître de l’art : le prix qu’il obtint l’année suivante[1] le paya de ses

  1. 1769. Ce n’était pas la première fois qu’il concourait pour un prix d’éloquence. Quelques années auparavant, l’Académie d’Amiens, avait proposé ce sujet assez hétéroclitement énoncé : Combien les lettres sont utiles ? Le prix n’était que de 300 livres ; mais ni un peu d’argent ni un peu de gloire n’étaient alors à négliger pour lui. Il envoya donc à cette académie un discours fait avec soin : il en prévint Delille & Sélis, qui étaient tous deux professeurs au collège d’Amiens ; il les pria d’avoir l’œil sur la manière dont se passeraient les choses, & de lui être utiles s’ils pouvaient. L’académie avait pour secrétaire un homme à grandes prétentions & à petits talens, nommé Baron, qui s’était avisé, aussi lui, de concourir : chargé de lire les ouvrages présentés, il lut très-mal & très-rapidement celui de Chamfort, qui fut rejetté tout d’une voix ; très-bien & très-oratoirement le sien,