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sur Chamfort.

est celui d’un disciple idolâtre, & qui, loin de son maître, se sent déchu. « Ô mon cher & digne Chamfort, lui écrivait-il de Londres[1], je sens qu’en vous perdant, je perds une partie de mes forces ; on m’a ravi mes flèches[2]. » En effet, non-seulement il se fortifiait dans la conversation de Chamfort, chez qui il allait passer une heure presque tous les matins, ce qu’il appellait aller frotter la tête la plus électrique qu’il eût jamais connue ; non-seulement il trouvait en lui, pour ses ouvrages, un guide sûr & un censeur aussi bienveillant que sévère ; mais il tirait encore une autre

    même lorsqu’elle est échauffée d’un bon cœur, vous le trouverez en moi ; & si j’ai eu le malheur de vous connaître si tard, ce sera du moins pour toujours que nous nous serons aimés. »

  1. En 1764.
  2. « Ne vous y trompez pas, lui écrivait-il encore, c’est mon esprit qui acquiert ici ; mon ame est veuve philosophiquement parlant, & ma pensée avorte, faute d’un ami qui l’entende ou qui l’éveille. Je combine une foule de rapports nouveaux ; & certainement il résultera de ces rapprochemens, & de ces combinaisons de bonnes choses, sur-tout quand je les aurai mûris auprès de vous, dans la serre chaude de votre amitié & de vos talens. Mais aujourd’hui je ne dispose point, je ne fais qu’amasser ; je n’ai jamais si bien senti combien vous étiez nécessaire pour m’encourager & me guider….. Un grand ouvrage de morale & de philosophie, je ne l’entreprendrai jamais qu’auprès de vous, qui êtes la trempe de mon ame & de mon esprit. »