Page:Chamfort - Maximes et pensées éd. Bever.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Ôtez à la plaisanterie son empire, et je quitte demain la Société. C’est une sorte de duel où il n’y a pas de sang répandu, et qui, comme l’autre, rend les hommes mesurés et plus polis. » (De la Société.)

Pascal et Chamfort s’accordent à regarder la plaisanterie qui offense comme mauvaise ; mais ils diffèrent dans les motifs qu’ils en donnent. Chamfort veille davantage sur la perfection de la plaisanterie, sur le succès du plaisant, sur la sûreté qu’elle donne à l’homme de mérite dans la société[1]. Pascal est plus occupé de l’amélioration du cœur, de la sûreté de la conscience, de la satisfaction de l’homme de bien[2].

Toute l’attention, toute la philosophie de Chamfort paraissent s’être tournées uniquement vers ces vues : échapper au ridicule, se dérober aux liens du mariage, se soustraire à l’autorité des gens de

  1. « C’est une règle excellente à adopter sur l’art de la raillerie et de la plaisanterie, que le plaisant et le railleur doivent être garans du succès de leur plaisanterie à l’égard de la personne plaisantée ; et quand celle-ci se fâche, l’autre a tort. » (Chamfort, Pensées, 79.)
  2. « L’homme aime la malignité, mais ce n’est pas contre les malheureux, mais contre les heureux superbes. L’épigramme de Martial sur les borgnes ne vaut rien, parce qu’elle ne les console pas, et ne fait que donner une pointe à la gloire de l’auteur. Tout ce qui n’est que pour l’auteur ne vaut rien : Ambitiosa recidet ornamenta. Il faut plaire à ceux qui ont les sentiments humains et tendres, et non aux âmes barbares et inhumaines. (Pensées de Pascal, ch. XXXI.)