jour dans mon calcul. Ma main cherchait la bourse dans mon sein. L’homme en habit gris devina ma pensée, et reculant de deux pas : « Non, Monsieur le comte, me dit-il, elle est en de trop bonnes mains ; conservez-la. » Je l’interrogeais d’un regard fixe et étonné ; il poursuivit : « Je ne demande qu’une légère marque de votre souvenir ; vous voudrez bien me signer ce billet. » Le parchemin contenait ces mots :
Je soussigné lègue au porteur du présent mon âme après sa séparation naturelle de mon corps.
Muet d’étonnement, je considérais tour-à-tour et le billet et l’inconnu. Il avait cependant recueilli sur ma main, avec le bec d’une plume nouvellement taillée, une goutte de sang qui coulait des blessures que les épines m’avaient faites, et il me la présentait.
« Qui donc êtes-vous ? » lui dis-je à la fin. — « Que vous importe ? me répondit-il, et d’ailleurs ne le voyez-vous pas ? Je suis un pauvre diable, une espèce de savant, de physicien, qui, pour prix de tout le mal qu’il se donne à servir ses amis, n’est payé par eux que d’ingratitude, et n’a d’autre amusement dans ce monde que celui qu’il prend à ses expériences. Mais, signez donc ! là, au bas de l’écriture, Pierre Schlémihl. »
Je secouai la tête, et lui dis : « Pardonnez-moi, Monsieur, je ne signerai pas. — Vous ne signerez pas ! reprit-il avec l’expression de la surprise. Et pourquoi pas ? » — « Mais, lui dis-je, il me semble que c’est une chose qui mé-