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Écoute, Mina : un homme qui ne craint pas le soleil, un honnête homme, qui n’est pas, à la vérité, un prince, mais qui a dix millions de bien (dix fois autant que tu en possèdes toi-même), recherche ta main. Un homme qui rendra ma chère fille heureuse. Ne me réponds rien ; ne me résiste pas, sois ma fille bien aimée, ma fille soumise ; obéis ; laisse ton père veiller à tes intérêts, régler ton sort et sécher tes larmes. Promets-moi de donner ta main à M. Rascal. Dis, veux-tu me le promettre… ? »

Elle répondit d’une voix mourante : « Je n’ai plus aucun désir sur la terre. Que la volonté de mon père décide de mon sort. »

Aussitôt on annonça M. Rascal. Il se présenta d’un air assuré. Mina perdit l’usage de ses sens. Mon diabolique compagnon, me regardant d’un air courroucé, m’adressa rapidement ces mots : — « Et vous pourriez soutenir cette scène ! Qu’est-ce donc qui coule dans vos veines ? est-ce bien du sang ? » Et d’un mouvement prompt il me fit une légère blessure à la main. — « Oui, dit-il, c’est du sang, du véritable sang ; signez donc ! » Je me trouvai le parchemin dans une main, et la plume dans l’autre.