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Page:Champollion - Grammaire égyptienne, 1836.djvu/36

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renouvelant la plus ancienne forme du gouvernement égyptien, la théocratie, qui se prêtait d’une manière plus efficace à l’accomplissement de ses vues, quitta la vallée de l’Égypte, non pour ramener les tribus à leur état primitif, à la vie nomade et pastorale de leurs pères, mais avec le dessein formé de les fixer sur un territoire limité, acquis par la conquête, et de les constituer, comme les Égyptiens, en une nation sédentaire, établie dans des villes, cultivant le sol et s’adonnant à tous les arts industriels. Moïse appliqua, autant que les circonstances locales devaient le permettre, les institutions civiles des Égyptiens à l’organisation de la société hébraïque ; il proclama des dogmes religieux essentiellement distincts de ceux de l’Égypte ; mais dans les formes extérieures du culte, et surtout dans le matériel des cérémonies, il dut imiter et il imita en effet les pratiques égyptiennes. L’étude des monuments égyptiens originaux, soit antérieurs, soit postérieurs à l’époque de Moïse, donnera donc une intelligence plus complète des textes originaux de la Bible.

La renommée et la richesse du sol de l’Égypte, aussi bien que son importance politique dès les temps les plus reculés, ont lié l’histoire de cette contrée avec celle de tous les grands peuples de l’Afrique et de l’Asie anciennes. Mais les annales de la plupart de ces nations ayant péri sans retour, il faut interroger les monuments écrits de l’Égypte : ils nous rediront les noms des peuplades, aujourd’hui oubliées, jadis soumises à la puissance égyptienne par les Pharaons pénétrant dans l’intérieur de l’Afrique, et appelant les barbares à la civilisation par le contact ou par l’exemple. Les bas-reliefs d’Isamboul et de Beit-Oually, en Nubie, nous montreront les traits physiques de ces hommes de race nègre ou de race caffre, l’époque de leur soumission, leur costume, leur manière de combattre, les détails même de leur vie domestique, et les rapports directs et variés de la primitive Égypte avec l’Éthiopie, contrée fameuse où nous reconnaîtrons peut-être le berceau de la population égyptienne.

Par l’étude des tableaux historiques sculptés dans les vastes palais de Thèbes, l’aînée des villes royales, nous assisterons en quelque sorte aux expéditions militaires exécutées en Asie dans des temps dont les annales des hommes n’ont conservé qu’un souvenir confus : les noms des rois égyptiens auteurs de ces grandes entreprises guerrières, ramenés à la réalité par le témoignage irrécusable des monuments contemporains, rentreront enfin dans le domaine positif de l’histoire, et cette science reculant ses limites, portera des lumières inespérées sur des