Page:Champollion - Lettres écrites d’Égypte et de Nubie en 1828 et 1829.djvu/425

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le vent et si nos rameurs faisaient leur devoir en conscience. Le vent du nord nous a longtemps contrariés, malgré le courant du fleuve, enflé outre mesure et au-dessus du maximum de sa crue. L’inondation de cette année est magnifique pour ceux qui, comme nous, voyagent en amateurs, et n’ont dans ces campagnes d’autre intérêt que celui du coup d’œil. Il n’en est pas de même des pauvres et malheureux fellahs ou cultivateurs ; l’inondation est trop forte ; elle a déjà ruiné plusieurs récoltes, et le paysan sera obligé, pour ne pas mourir de faim, de manger le blé que le pacha lui avait laissé pour l’ensemencement prochain. Nous avons vu des villages entiers délayés par le fleuve, auquel ne sauraient résister de mesquines cahuttes bâties de limon séché au soleil ; les eaux, en beaucoup d’endroits, s’étendent d’une montagne à l’autre, et là où les terres plus élevées ne sont point submergées, nous voyons les misérables fellahs, femmes, hommes et enfants, portant en toute hâte de pleines couffes de terre, dans le dessein d’opposer à un fleuve immense des digues de trois à quatre pouces de hauteur, et de sauver ainsi leurs maisons et le peu de provisions qui leur restent. C’est un tableau désolant et qui navre le cœur ; ce n’est pas ici le pays des souscriptions, et le gouvernement ne demandera