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dit-on, une foule de similitudes entre l’ibis et le cœur, exprimé en langue égyptienne par la syllabe hèt, mot qui se prenait dans la double acception de cœur et d’intelligence ou intellect[1] ; l’ibis, symbole du cœur et signe du mot Hèt, devait donc devenir l’emblème de Thoth que l’on considérait comme l’arbitre souverain du cœur et de l’intelligence humaine, Πάσης καρδιάς καὶ λογισμοῦ δεσπότης. (Voy. la note 4, ci-dessus.)

Ce n’est point sur la terre seule et sur les hommes policés par ses bienfaits, que Thoth-deux-fois-grand, ou le second Hermès, exerçait directement son influence ; les Égyptiens crurent aussi qu’après avoir civilisé notre planète, Thoth avait établi sa demeure dans le globe lunaire, et qu’il suivait cet astre dans toutes ses révolutions[2]. Ce dieu paraît, d’après les monuments, avoir été considéré comme ayant des rapports très-intimes avec le Dieu-Lune, et avec l’astre de ce nom. Les monuments égyptiens nous montrent en effet, et assez fréquemment, Thoth ibiocéphale soutenant dans ses mains le disque lunaire, et occupant le haut d’un escalier mystique formé de quatorze degrés, sur chacun desquels est placée une divinité de seconde ou de troisième classe, qui semble monter vers le second Hermès[3]. Plus souvent encore, la tête d’ibis de ce dieu est surmontée du croissant et du disque lunaires, comme on peut le voir sur cette planche (30 (A)), dessinée, ainsi que la précédente, d’après des momies peintes du cabinet du Roi et des riches collections de MM. Durand et Cailliaud. Des figurines de terre émaillée offrent assez fréquemment le Thoth ibiocéphale, portant dans ses mains l’œil qui fut un des symboles de la Lune aussi bien que du Soleil. Enfin, les rapports de Thoth avec la Lune sont, outre cela, indiqués par les mythes sacrés, d’après lesquels, par exemple, le dieu des sciences jouant aux dés avec le Dieu-Lune, lui gagna la 70e partie de ses illuminations, et en forma, en les mettant ensemble, cinq jours qu’il ajouta aux 360 de l’année. Ces jours, nommés épagomènes, étaient fêtés et solennisés par les Égyptiens, à cause des divinités qui avaient pris naissance pendant leur durée[2]. L’oiseau de Thoth, l’ibis, était également consacré à la Lune[4], parce qu’une partie de son plumage était obscure et de couleur noire, et l’autre brillante et de couleur blanche[5], ce qui faisait allusion au disque lunaire, tantôt éclatant de lumière, et tantôt plus ou moins plongé dans l’obscurité.

  1. Voyez mon Précis du Système hiéroglyphique, chap. IX, § VII, pag. 288 et suiv.
  2. a et b Plutarque, de Iside et Osiride.
  3. Description de l’Égypte, planches relatives aux antiquités d’Edfou et de Dendéra.
  4. Ælien, De naturâ animalium, lib. II, cap. XXXVIII.
  5. Clément d’Alexandrie, Stromat., lib. V, pag. 567.