Page:Champollion - Panthéon égyptien, 1823.djvu/170

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méritée au courage réfléchi qui se dévoue généreusement au progrès de la science.

La plus grande partie des grandes scènes peintes, placées au commencement ou à la fin des manuscrits funéraires soit en écriture hiéroglyphique, soit en écriture hiératique, et qui représentent la Psychostasie et le jugement des ames par Osiris, nous offrent le second Thoth debout devant le trône du juge suprême, et dans l’attitude qu’on lui voit sur notre planche 30 (C). La tête du dieu est celle d’un ibis, ordinairement peinte en noir, d’où l’on pourrait inférer peut-être que l’Ibis blanc était plus spécialement consacré à Thoth considéré dans ses attributions relatives aux globes de la Lune et de la Terre, et l’ibis noir à ce même dieu réglant le sort des ames dans l’Amenté, l’enfer ou la région ténébreuse. La tête d’oiseau qui remplace la tête humaine de Thoth, est couverte de la coiffure égyptienne ordinaire, et n’est surmontée d’aucun symbole particulier : le dieu tient dans sa main gauche une tablette rectangulaire pareille à celles qu’on a découvertes depuis peu dans les catacombes égyptiennes, et qui, portant vers leur partie supérieure deux cavités destinées à recevoir des pains de couleur noire et rouge, et sur leur milieu, des rainures pour des pinceaux, ont été facilement reconnues pour un ustensile de peintre ou d’écrivain. On a donné à ces tablettes, qui portent presque toutes des légendes hiéroglyphiques, le nom de palette : Thoth est figuré traçant avec un roseau ou un pinceau qu’il tient dans sa main droite, des caractères sur la tablette qui, combinée avec le pinceau et un petit vase renfermant soit de l’encre, soit de l’eau pour layer les couleurs, forme le groupe hiéroglyphique tropique[1] exprimant les idées Écrire et Écriture, idées dont les mots Shai, Sah, ou bien Skhai et Sakh étaient les signes dans la langue orale.

Ainsi c’est la science divine personnifiée qui perscrutait la vie passée des ames et présentait le résultat écrit de cet examen au dieu bienfaisant par excellence, Osiris, dont la bouche sainte prononçait la sentence. J’ai reconnu dans les peintures des manuscrits les plus soignés, que le caractère inscrit par Thoth sur la tablette, était le signe recourbé[2], l’une des formes de la consonne S dans l’écriture hiéroglyphique. Comme on ne pourrait présenter que des conjectures sur le sens de cette lettre initiale, j’ai cru devoir me borner à reconnaître le fait seulement.

  1. Voyez sur nos planches 30 et suivantes le dernier caractère de la légende no 1.
  2. Voyez le premier signe du nom du dieu Sovk, pl. 21, lég. no 1.