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J’avais mis dans ce roman plus que de la fantaisie et pris pour de l’amour une aventure frivole, qui ne pouvait durer qu’un jour, qu’une nuit. Aujourd’hui, le regret silencieux penche ma tête blonde et ternit l’azur de mes yeux.

Si je me suis trompée, si vous pensez à moi, venez, ami, cueillir à ma paupière une larme discrète et fière et me rendre ce délire qui me faisait tout oublier.

S’il est trop tard, alors que mon cœur se déchire. L’amour est mort. Il est sous terre. Qui peut ressusciter les morts ?

Laure de Sergy.
Paris, 5 septembre, mercredi.

Ta lettre charmante m’a troublé. Qui peut ressusciter les morts ? La foi. Je t’aimais. Depuis ta lettre, je t’aime davantage.

Pourquoi cette inconséquence ? C’est qu’il y a un homme double en moi, le sensitif et le raisonneur. Réfléchis aussi. Où nous mènerait une liaison ? Nous quitter plus tard serait difficile après un enracinement.

Je le jure, aucune femme ne m’a ravi plus que toi, le premier jour où je t’ai vue, avec ta voix si douce, ta silhouette élégante et fine. Tu es supérieure, délicate, distinguée, adorable.

Et je t’adore. Tu peux venir, en tout temps, me voir. Tu es sûre d’être la bienvenue, la bien chérie, la bien fêtée. Cependant, soyons amis, mon amour.

Il suffit d’une semaine de sentiment véritable pour parfumer l’amitié de toute une vie. Je souffre de te faire de la peine. Pardonne. J’ai le malheur de te causer un chagrin.

Jacques.
Maison Rose, vendredi 7 septembre.

Devrais-je t’écrire, mon pauvre cher ami ? Tu es parfois bien singulier, et sans qu’on en sache le motif ! Hier, sur ma poitrine ton cœur battait à se briser, et sur mes lèvres je sens encore tes baisers. Et tu ne m’aimais pas ! Ce n’était que caprice. Tu parles d’amour pour prendre le cœur sans donner le tien.

Hélas ! l’amour est un oiseau de passage ; la joie est brève, et le réveil triste. Aujourd’hui nos amours sont terminées. Nous les jetterons dans le passé, et nos baisers nous couvriront de leurs débris.

Tu m’as fait pleurer et rire quand tu cherchais dans mes yeux et sur ma bouche l’infini. Tu me disais que mes traits sont adorables, et tu ne m’aimais pas ! Il te semblait drôle de passer le temps en badinant avec l’amour.