Page:Chantavoine - Le Poème symphonique, 1950.djvu/14

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Au même moment que Liszt, Spohr (1784-1859) cherchait la même voie. Spohr est un de ces dignes et nobles artistes, supérieurs à une œuvre où ils n’ont pas réalisé dans sa plénitude l’idéal généreux que l’on y découvre pourtant. Quatre de ses neuf symphonies portent des titres et veulent exprimer des symboles : la Consécration des sons (1832) d’après un poème de Pfeiffer, qui devait être, avant l’audition, mis sous les yeux des auditeurs ; la Symphonie historique (1839), dont les quatre parties évoquent tour à tour la période de Bach-Hændel, celle de Haydn-Mozart, celle de Beethoven, enfin l’époque actuelle ; le Terrestre et le Divin dans la vie humaine (1841), où deux orchestres séparés s’unissent ou se répondent pour chanter successivement le monde de l’enfance, le temps des passions et la victoire finale du divin[1] ; enfin Les quatre saisons.

Il y avait bien aussi les « ouvertures », telles que la musique de théâtre les connaissait depuis Gluck et surtout Mozart, Beethoven, Weber, Wagner lui-même, dont Rienzi, le Vaisseau Fantôme et Tannhäuser précèdent les premiers poèmes symphoniques de Liszt. Mais, d’une part, l’ouverture de théâtre, faisant allusion aux péripéties essentielles de la pièce, n’atteint pas à ce caractère d’allégorie et de symbole que cherchera le poème symphonique. De plus, qui dit ouverture dit ou suppose opéra, drame ou comédie pour y faire suite. En sorte que l’ouverture constituait plutôt l’énoncé d’un problème qu’elle n’en apportait la solution. Des ouvertures sans pièce, comme la Belle Mélusine ou la Grotte de Fingall de Mendelssohn, n’étaient que des tableaux de sentiment, fort jolis du reste, mais sans contenu de pensée.


  1. C’est le principe même que Liszt réalisera d’une autre façon dans les Préludes et les Idéals.