finale et, au centre, l’énigme du monologue. Tout cela se rétracte et se confond, comme dans un ressort enroulé, dans le sentiment vague d’une indécision coupée de saccades, d’une aboulie secouée de violences. Tel est le résidu qui se décante du spectacle, des scènes et des mots. Le drame de Shakespeare est donc la peinture à la fois précise et trouble (aussi trouble que la laissera la musique) d’un caractère sur lequel on n’a pas fini de s’interroger[1], chaque fois qu’un nouveau comédien veut l’incarner à sa manière, sur les planches et aujourd’hui sur l’écran. C’est à ce résidu seul que s’attache Liszt : ainsi faisaient eux-mêmes Byron et Lenau lorsqu’ils reprenaient comme héros d’un poème des personnages de théâtre tels que Don Juan ou Faust.
Après quelques mesures de sombre introduction, l’Hamlet de Liszt débute par une lente et inquiète rêverie dont le thème ascendant, presque interrogatif :
prendra tout à l’heure un accent de désespoir passionné,
mais qui d’abord est suivi des saccades et des sursauts familiers aux timides, chez qui la violence est le dernier recours de l’indécision, effets qui se retrouvent dans la Faust-Symphonie et dans Prométhée, mais plus soutenus. Chez Hamlet, ce sont des velléités momentanées, fugaces ;
- ↑ De s’interroger et, à l’occasion, de se battre : il y a une cinquantaine d’années, Catulle Mendès et un journaliste du nom de Georges Vanor allèrent sur le pré, s’étant disputés pour savoir si Hamlet était gras ou maigre.