Page:Chantavoine - Le Poème symphonique, 1950.djvu/34

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où semblent gémir ces deuils qui sont le tribut ou la rançon de la victoire elle-même. Après quelques répits de méditation tragique ou d’accablement passager, la péroraison est un triomphe, comme dans la Bataille des Huns, Tasso et Mazeppa.

Ainsi se succèdent, non pas au hasard, comme les fragments d’une rapsodie, mais suivant un cours bien dessiné, l’appel aux armes, le combat avec ses alternatives de succès et de revers, la défaite momentanée, la victoire enfin, saluée par la jubilation populaire. À vrai dire, les choses, pour la Hongrie de 1840, n’avaient pas fini aussi bien que la conclusion de Hungaria. L’œuvre se tourne donc vers l’avenir plus que vers le passé, ce qui est le fait de la poésie et non de l’histoire. Nouvelle preuve que, dans ses « poèmes symphoniques », Liszt met plus de lyrisme et d’imagination que d’exactitude documentaire…

Dans les Préludes avec une éloquence lumineuse, dans les Idéals d’une façon plus vague et énigmatique, le symbole de la destinée humaine se libère des allusions légendaires, historiques, individuelles ou nationales rencontrées jusqu’ici.

Les quelques mots de Lamartine d’où sortent les Préludes pourraient faire le texte d’un sermon : « Notre vie est-elle autre chose qu’une série de préludes à ce chant inconnu dont la mort entonne la première et solennelle note ? » Cette série, avec Liszt, ce seront à la suite le ravissement de l’amour, le déchirement des orages, la guérison de l’âme, cherchée d’abord au sein de la fature, puis dans la gloire des combats, mais trouvée seulement, à la fin, dans la majesté des vérités éternelles.

Le procédé de développement sera, en majeure partie, celui de la « grande variation », propre en effet à traduire par l’unité du thème et la multiplicité de ses formes, l’identité et la diversité qui définissent le cours de toute existence individuelle.