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CHAPITRE PREMIER

LES ORIGINES

Né ou issu du romantisme musical, le « poème symphonique » est une composition qui, par contraste avec la structure et le développement de la symphonie classique, subordonne cette structure et ce développement à un souvenir, à une idée, à une allégorie, à un symbole que la musique rappelle ou suggère.

L’origine d’un mot n’étant jamais sans rapport avec la chose qu’il désigne, ce mot dévié de son sens primitif trahit toujours une idée faussée, un usage abusif, une dégénérescence quelconque, et il convient de rendre ici au terme de « poème » le sens de « création » que lui donne l’étymologie, selon le verbe grec ποιεῖν, qui veut dire en effet tout ensemble créer et façonner.

Dans les lettres elles-mêmes, ce mot de « poème » ne devrait pas s’appliquer sans distinction à toute pièce de vers, mais à celles seulement qu’inspire un sentiment central. Ainsi, parmi les eaux bornées par deux rives, l’étymologie distingue entre le fleuve, qui a une source et un cours, et le canal, qui n’en a pas. La versification elle-même n’est peut-être pas essentielle à la nature du « poème ». Malgré sa prose, le Centaure n’est-il pas un poème ? Malgré ses vers, le Cimetière marin est-il autre chose qu’une énigme… comme déjà le Pollion de Virgile ?

Cette limitation des termes et de leur sens ou acception s’impose d’une façon plus impérieuse encore en musique, dont l’objet est plus diffus et dont les moyens restent plus vagues que ceux du langage parlé en prose ou en vers.