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les aspirations

Et pendant que, rêveur, je fixais la machine,
C’était drôle, du feu me courait dans l’échine,
Des éclairs aveuglants me passaient dans les yeux,
Et j’étais empoigné par un désir fougueux :
Ne fût-ce que le temps de m’y dresser la tête,
Je voulais, à tout prix, monter sur la Tempête,
Un surnom qui souvent m’avait rempli d’émoi.

Soudain, je regardai, furtif, autour de moi.
Non loin, tournant le dos, et la tête penchée,
Un homme marchait seul au fond d’une tranchée,
Où se glissait déjà l’ombre vague du soir ;
Et, certain qu’aucun œil n’était là pour me voir,
N’ayant à redouter nulle oreille attentive,
En deux bonds je sautai sur la locomotive.
La gare à ce moment me parut tournoyer.
Sans bruit, du pied j’ouvris la porte du foyer.
Quelle douce chaleur ! que j’étais à mon aise
En face du brasier de la vaste fournaise
Où crépitait encore un reste de poussier !
Oh ! comme elle brillait, la manette d’acier !