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le niagara

Les longs hennissements du cheval de bataille,
Les abois du canon qui crache la mitraille,
Les hurlements du vent à travers les grands bois,
Ces bruits et ces horreurs palpitent à la fois
Dans la clameur sauvage, effroyable et sublime
Qui monte incessamment de l’insondable abîme.

Devant l’énormité de ce gouffre béant,
On est comme écrasé par son propre néant ;
Le vertige nous ploie ; on ferme la paupière ;
On croit sous son talon sentir glisser la pierre.
Assourdi par le choc continu de ces flots
Pleins de gémissements, de cris et de sanglots,
Il nous semble assister, dans une nuit profonde,
Au vaste écroulement subit de tout un monde.
Mais on rouvre les yeux, et l’on voit, frémissant,
Au-dessus de l’abîme, un prisme éblouissant,
On voit une vapeur montant du sacrifice
Et cachant dans ses plis l’âme du précipice.
Sans fin cette vapeur sort de l’antre qui bout,
S’envole lentement, lentement se dissout,