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l’espéranto, ses partisans annonçaient qu’ils étaient environ 40.000, ce qui paraissait exagéré ; puis on a parlé de 50.000 et on est arrivé à 80.000 ; j’attendais le nombre rond, 100.000, mais je ne l’ai pas vu venir. En revanche, on vient de nous annoncer des millions (au pluriel). Il est vrai que cette nouvelle nous arrive du Canada. À beau… blaguer qui vient de loin. Essayons de ramener ces exagérations à de plus justes proportions.

La première préoccupation d’un nouvel adepte est celle-ci : avec qui vais-je pouvoir utiliser ma nouvelle acquisition ?

M. Ch. Meray lui dit bien que ses collègues sont « épars dans toutes les contrées de l’Europe, en Asie, jusqu’à Vladivostok, en Afrique (Algérie, Tunisie, Soudan), en Amérique, de l’Alaska au Brésil, en Océanie, à la Nouvelle-Calédonie. »

Le nouveau converti jette autour de lui un regard effaré sur cet immense espace où ses futurs interlocuteurs lui apparaissent : rari nantes in gurgite vasto.

M. Zamenhof a pris une mesure destinée à faire cesser cet embarras ; il publie tous les ans un « adresaro » contenant les noms et adresses que lui envoient les nouveaux adeptes. Le dernier adresaro, 1901, arrive jusqu’au numéro 5567.

Mais, depuis quatorze ans que ces adresaros ont commencé à paraître, un certain nombre d’inscrits ont dû passer de vie à trépas ; et puis d’autres, après le premier moment d’enthousiasme passé, auront pour diverses causes lâché pied.

C’est sans doute pour tenir compte de ces décès, de ces découragements, de ces désaffections, que M. Couturat dans la lettre qu’il m’écrivait dernièrement m’a donné le chiffre de : plus de 5.000. M. Couturat n’étant pas espérantiste, du moins il l’affirme dans sa lettre et dans sa brochure, son témoignage sur ce point a plus de garanties d’impartialité que celui de certains espérantistes trop enthousiastes.

Admettons donc ce chiffre de 5.000 au lieu de 40.000, 50.000, 80.000 et des millions ! Quelle exagération !

5000 conversions seulement en 14 ans (1887-1901). C’est un maigre résultat. Si le recrutement dans l’avenir devait suivre la même progression que par le passé, il faudrait 140 ans pour arriver à ce chiffre de 50.000 annoncé à grand fracas ; quant