Page:Chaptal - Mes souvenirs sur Napoléon.djvu/262

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Un autre jour, Bonaparte critiquait la traduction de la Jérusalem délivrée sous le rapport du style. Lebrun répondit : « Vous ferez bien d’apprendre la langue française, avant de la juger. »

J’ai dit combien étaient terribles chez Napoléon les premières résolutions. Il ne suivait d’abord que l’impulsion d’un caractère naturellement ombrageux, vindicatif. Il ne cherchait ni à s’éclairer sur les faits, ni à connaître les formes que la justice réclamait pour atteindre et juger les prévenus d’un délit. C’était toujours une jurisprudence nouvelle qu’il invoquait, et cette jurisprudence n’était jamais que l’impression qu’il recevait dans le premier moment. La marche de la justice était toujours trop lente, les peines voulues par la loi étaient trop douces. Souvent même les décisions des tribunaux le poussaient à des excès inouïs. Accoutumé, par caractère, à l’absolu pouvoir, il voulait juger tout par lui-même, et lorsqu’on obtenait, toujours avec difficulté, que les prévenus fussent livrés aux tribunaux,