l’intérieur, qui n’avait d’autres fonctions à remplir que de censurer les pièces qu’on présentait à nos théâtres ; il était d’une sévérité extrême, et ses jugements lui étaient constamment dictés non par rapport aux mœurs ou à la morale, mais par des considérations qui lui étaient personnelles. Il s’établit un jour un débat très sérieux entre ce censeur et l’auteur d’une comédie qui plaisantait sur les mœurs des Anglais ; le censeur exigeait que l’auteur supprimât tout ce qui était relatif aux Anglais ; celui-ci s’y refusait, et, après une discussion très animée, il fut résolu que la pièce serait soumise à mon tribunal. Les parties furent invitées à se rendre dans mon cabinet, je pris connaissance de la comédie, j’entendis les parties et je me prononçai contre M. Félix Nogaret (c’était le nom du censeur). Ce vieillard, d’ailleurs très respectable, en versa des larmes ; j’essayai de le calmer, mais, pour toute raison, il me répondit ces mots : « Vous jugez bien à votre aise, vous, monsieur le ministre ; mais ce pauvre Félix Nogaret est perdu, il ne lui
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