lettres que j’ai été dans le cas de connaître et sur lesquels j’ai cru devoir appeler les bienfaits du gouvernement, je n’en ai trouvé qu’un qui les ait repoussés. C’est Anquetil-Duperron, de l’Académie des inscriptions, qu’on appelait « l’Indien », par rapport au long séjour qu’il avait fait dans l’Inde ; il était frère de l’auteur de l’Esprit de la ligue et de l’Histoire de France. Anquetil vivait dans un galetas, entouré de livres et couché sur de la paille, couvert d’une grosse couverture. Une chopine de lait et un petit pain suffisaient par jour à sa nourriture. Je m’apitoyai sur son sort, que je voulus améliorer. En conséquence, je me hasardai à lui envoyer 1,200 francs par M. Arnaud, chef de l’instruction publique. Mon don fut rejeté avec dédain. Mais M. Arnaud, apercevant une vieille pendule sous un tas de livres, parut désireux de la posséder et l’estima cinquante louis. L’original la lui offrit à ce prix, et M. Arnaud l’emporta.
Lorsque, après avoir organisé l’Institut, j’en appelai tous les membres au ministère pour y prêter le serment à Napoléon, un seul s’y refusa. Ce fut Anquetil-Duperron. Il répondit, par écrit, à mon invitation « qu’il ne devait pas de serment aux hommes, et qu’il renonçait à l’Institut ; je n’ai prêté, ajoutait-il, qu’un serment en ma vie, et je me suis singulièrement parjuré. Le sage doit au moins éviter les récidives ».