Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/104

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— Ce sont les mots que j’attendais, continua-t-elle, invisible maintenant. Moi aussi, je vous aime et je suis heureuse que nous en ayons pris conscience en même temps.

Voici maintenant le moment de leur premier rendez-vous, de cette première nuit où Georges et Sylvie, enivrés l’un de l’autre, ont accompli les gestes terre à terre de louer une chambre dans une auberge de campagne, de souper l’un en face de l’autre à une petite table éclairée à la chandelle, en tenant des propos sans suite, tous les deux préoccupés de ce qui allait se passer, graves tous les deux, elle un peu par mimétisme, par appétit de lui ressembler, mais aussi parce que la passion qui la jetait dans les bras de l’écrivain la purifiait, la renouvelait physiquement et moralement, opérait en elle une résurrection. Un dialogue plus intime absorbait toutes leurs forces. Ils éprouvaient l’un et l’autre, avant même le don, la plénitude de connaissance de leur être. Ils s’étaient si totalement précipités l’un vers l’autre que même le premier contact charnel ne pourrait être qu’une redescente, sinon une déception. À cela, ils reconnaissaient que leur amour, dans cet instant avait quelque chose d’unique, une pureté où il ne pourrait se maintenir, qu’ils étaient tous les