Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/107

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chair seule les rapprochait ; ils en souffraient tous les deux. Sylvie ne doutait pas d’être aimée, mais tout un côté de Georges lui échappait. Il ne savait pas ou ne voulait pas se livrer. Avant leur liaison, il l’interrompait quand elle allait parler d’elle. Quelquefois, cherchant jusqu’où s’étendait son pouvoir — et n’ayant pas encore le pont de la sexualité — elle inventait des façons subtiles de l’atteindre. Le jeu les passionnait. Mais Georges n’ignorait pas que ce jeu en était un de dupes. « Vous vous lassez de tout, disait-elle, bientôt vous serez fatigué de moi. » Il protestait et elle feignait de se laisser rassurer. Elle tentait de se conformer à l’idée qu’il se faisait de la femme. D’autre part, elle n’allait plus rue Stanley, où il se sentait en état d’infériorité. « Nous sommes loin l’un de l’autre. Tu n’aimes rien de ce qui me plaît », disait-elle.

— Comment peux-tu aimer ce milieu équivoque où le sexe fort porte jupe ?

Le plus grave était cet écart de rythme entre eux. Près d’elle, sa vie était suspendue. Mais il fallait presque aussitôt se quitter. La jeune femme, qui avait été mariée et allait avoir trente ans, voyait dans leur liaison un rite au milieu de beaucoup d’autres : les réceptions, la danse, les voyages… De son côté,