Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nait conscience en même temps qu’il découvrait que ce bonheur confortable l’amoindrissait. « Nous sommes une famille qui se suffit », disait Jeanne.

Elle ne disait plus vrai depuis une heure. Georges savait que désormais cette sécurité ne lui suffirait plus jamais. En fouillant cette idée, il reconnut que depuis peu quelqu’un en lui s’en était avisé. Il se voyait tout à coup du dehors, avec un regard, non pas hostile tout à fait, mais presque étranger. Quelques jours plus tôt, causant avec des hommes de son âge, à son club, il se comparait secrètement à eux avec une certaine complaisance.

— Nous étions pourtant minces, nous aussi, il y a quelques années, dit l’un.

— C’est l’âge. Peut-être aussi une conception mieux équilibrée de la vie.

— C’est aussi que nous faisons moins l’amour, avoua le troisième.

— Il y a aussi forcément diversion de nos forces vives dans notre travail… Ma femme ne comprend pas cela, ajouta-t-il après un moment de réflexion et comme se parlant à lui-même. Il suivit encore un moment le cheminement d’une pensée restée inconnue à ses compagnons et conclut : Je me reprends l’été !