Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/46

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ne qui aurait attendu en vain son appel. Mais là encore elle pourrait suivre une ligne de conduite toute prête. On lui avait à elle-même joué bien des fois des scènes de ce genre. Elle s’excuserait. Elle était si distraite ! Elle avait tellement de chats à fouetter. Elle ne se rappelait plus si c’était elle ou Jeanne qui devait appeler… Ou bien, elle dirait : « Je devais vous appeler, vous savez, pour rencontrer le peintre de Sylvie, mais il n’est pas venu. C’est nous qui sommes allées à New-York, à la place. Je savais que vous comprendriez. D’ailleurs, ce n’est que partie remise. »

Et, en réponse à la prochaine invitation de Jeanne, elle viendrait deux jours avant la date, ou encore à la fin du repas, ayant dîné à la course d’un sandwich, pour accréditer sa réputation de distraction et ajouter une complication de plus à l’absurdité de sa vie. Vraiment, le monde ne lui laissait aucun repos ! M. Hautecroix savait aussi tout cela, mais il aimait sa femme et l’aimait ainsi. Il haussa comiquement les sourcils, mais dans son geste perçait une profonde affection. Quand il s’agissait d’elle, il dissociait le cœur de la raison.