Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/48

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portent à la fuite du temps ou à l’imperfection de leur œuvre. Colette m’a révélé ma force ; elle m’a enseigné la valeur de l’indifférence, la valeur de l’immédiat ; elle l’a fait en me redonnant le goût des plaisirs simples, des voyages et même de la flânerie. Ta mère… Excuse-moi.

— Allez, je comprends très bien.

— Ta mère vivait sous le signe de la peur. Son enfance avait été terrifiée.

— Oui, je sais.

— Elle édifiait une muraille entre la vie et nous. En voulant nous préserver des chocs, elle nous isolait de la réalité. J’avais fini par perdre le goût du travail. Elle en souffrait, mais ne pouvait changer.

— Je suis heureux que vous m’ayez parlé de cela. C’est peut-être un peu l’explication que je cherche à mes problèmes…

— Ne va pas donner à mes paroles une portée qu’elles n’ont pas. Je n’ai jamais cessé d’aimer ta mère. Disons que je suis heureux avec Colette d’une façon différente.

Ils se turent. L’ombre de Mme Hautecroix venait de passer dans cette maison qu’elle avait faite si complètement sienne que les coups de vent de la remplaçante l’avaient à peine changée et seulement en surface.