Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/64

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— Je t’avoue que je commence à sentir la faim.

Ils mangèrent des baies sauvages qui poussaient au bord de l’eau et burent dans le courant. Leur gibecière regorgeait de munitions mais ni l’un ni l’autre n’avait le goût de manger du poisson frit sur un feu ouvert. Restaurés, ils se remirent en marche. Piquant droit devant eux, ils débouchèrent enfin sur un plateau, en grande partie déboisé et s’étendant à perte de vue de tous les côtés. Cette terre était coupée dans sa longueur par une longue tranchée étroite aux eaux immobiles. Un léger balancement des lianes leur révéla l’existence d’un courant enfoui dans les herbes. Des tiges renversées pourrissaient dans une eau moirée à reflets d’argent. L’impression de déjà vu se mêlait en eux à un sentiment de mystère. Ces sols avaient été exploités. Jean, qui marchait le premier, découvrit les débris d’un vieux pont de billots. Un chemin effacé par la végétation passait là. Plus loin, des phlox formaient une tache mauve près des fondations d’une ferme incendiée. Il ne leur restait plus qu’à s’engager dans cette voie.

Mais maintenant le soir approchait. Harcelés par les moustiques, fatigués, recrus, ils