Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/94

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Il n’avait plus la notion du temps, nouvelle dimension. Il lui fallait s’habituer à un rythme en profondeur que l’habitude du tabac lui avait fait perdre au profit d’une euphorie décevante. D’énormes lambeaux de vie lui étaient ainsi rendus.

Vers quatre heures, le souvenir de Sylvie lui revint. Il courut à la plage avec les enfants. Une lumière jaune se jouait sur la vague. Georges nagea jusqu’à l’épuisement de ses forces.

Le jour suivant, il renouvela l’expérience. Il travaillait le matin ; l’après-midi, sous un soleil dévorant, il nageait ou se reposait, alléguant que le jeu et le sommeil font partie de toute pensée mûrie. Il se nourrissait presque uniquement de fruits de mer et de jus, évitant les viandes, les plats de chefs et les vins. Il arrivait que les enfants prenaient sa mémoire en défaut. Ils ne s’en étonnaient plus. Ils avaient appris à attendre autre chose de lui que des précisions chronologiques ou le nom scientifique du passereau. Il pensa : « Nous ne savons bien que ce qui nous touche, ce qui émeut des correspondances au plus profond de nous-mêmes. D’autre part, l’idée que nous tenons à donner de nous-mêmes varie plus selon le temps que selon les personnes.