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Page:Charbonneau - Fontile, 1945.djvu/171

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nir. Quand je la voyais l’après-midi, elle exigeait que je lui dise en détail ce que je ferais le soir. Si je devais travailler, elle insistait :

— Alors, téléphonez-moi à neuf heures.

Quand la politique, dont je commençais à m’occuper activement, me retenait loin d’elle plus d’une journée, elle se plaignait :

— Je n’ai pas dormi, la nuit dernière ; j’ai pensé à vous. Voilà trois jours que je ne vous ai pas vu, Julien.

Je la plaisantai sur sa jalousie. Elle fit une petite moue de fillette sur le point de pleurer.

— Vous me touchez au cœur, dit-elle.

Elle fit mine d’être fâchée. Je l’attirai près de moi sur le canapé. Je sentais dans sa résistance, trahie par un commencement de sourire, qu’elle appelait de toutes ses forces une manifestation de mon amour qui la rassurât. Elle redoutait, étant incapable de vivre comme les autres, de lasser ma bonne volonté.

— J’ai peur de ne pouvoir vous aimer comme je suis aimée, disait-elle. Je ne veux pas vous aimer pour moi. Et je ne fais pas autre chose.