Page:Charbonneau - Fontile, 1945.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

parla jamais de lui-même. Il me confia un jour son ambition d’étudier le droit. C’était en réponse à une question directe.

Son avarice faisait le sujet des plaisanteries de sa famille et de ses camarades. Il n’achetait aucun livre et ne montait jamais en tramway, même les jours de pluie. Il avait un compte en banque, dont je ne savais qu’une chose, c’est que toutes les inscriptions étaient portées à la même colonne, celle du crédit. Il affectionnait certains mots qui lui venaient tout naturellement sur les lèvres. J’essayais de les reprendre mais sans succès. Les mots prennent leur départ dans la personnalité. Pour ce qui est de leur emprise sur nous, ils ressemblent aux êtres. Le mot tiède avait dans sa bouche une fièvre secrète. Il éclatait dans la phrase comme un vol de flamants laissant ma sensibilité toute vibrante.

Le matin, il m’attendait sous le préau où nous marchions jusqu’à l’heure de la classe. Le jeudi, nous passions la journée à la bibliothèque. D’autres fois, il me lisait des poèmes, parmi les plus ésotériques.