Page:Charbonneau - Fontile, 1945.djvu/64

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Après un silence, durant lequel ses yeux scrutent les miens, il ajoute :

— Nous avons eu des relations un peu bizarres, Antoine et moi. Il ne t’en a jamais parlé ?

— Non.

— Il ne t’a jamais parlé de moi, répéta Mareux, buté sur cette pensée. C’est extraordinaire !

Pendant qu’il parlait, je me rappelais Antoine, sa bouche aplatie de crocodile, ses yeux étrangement fixes qu’il tournait de côté d’une façon saisissante en riant.

— Alors, tu ne savais rien. Ça m’enlève un poids de la poitrine, un poids que je sentais chaque fois que je pensais à toi. Et tout le temps tu ne savais rien… Je puis bien te dire toute la vérité maintenant. Tu te rappelles mon visage pâlot, ma mine mal éveillée, ma naïveté au collège. J’étais toujours dans vos jambes en dépit de toutes les brimades. Antoine seul paraissait s’intéresser à moi. Je l’invitai à la maison un jeudi. Il vint avec des livres et me lut des passages de Montaigne. Je n’aimais pas cela et le lui dis. À cinq heures, je descendis le reconduire.