Page:Charbonneau - Les Désirs et les jours, 1948.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
117
ET LES JOURS

avenir, Auguste désire un fils qui continue son nom. Marguerite ne le désire pas moins. Enfin leur vœu se réalise. La grossesse n’a pas été pénible, mais le moment critique approche : l’accouchement.

Affalé dans un fauteuil, Auguste ressent un bien-être incompréhensible. Toute la fatigue, accumulée depuis deux jours, est descendue dans ses jambes. Il ne s’endort plus, il ne désire rien ; les jambes étendues devant lui, il pourrait veiller encore vingt-quatre heures.

La fenêtre est ouverte. Quand il tourne le dos au lit, dans l’intervalle des crises, il discerne les feux des postes d’aiguillage, leur face rouge tournée de son côté. Il entend le halètement de la locomotive de cour qui laisse un wagon sur la voie de rassemblement, puis reprend sa course avec ce grincement particulier que font les locomotives qui reculent. Il n’ose pas allumer sa pipe. Dans son état, Marguerite ne peut tolérer l’odeur du tabac. Il ne peut quitter la pièce, il ose à peine respirer. Dans un moment, les douleurs vont reprendre et Marguerite va l’appeler. Pourra-t-il se relever ? Il pense au supplice de La Ballue. Combien de jours un homme peut-il