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Page:Charbonneau - Les Désirs et les jours, 1948.djvu/136

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LES DÉSIRS

Demain, un nouveau viendra s’ajouter au personnel : pour le nombre. Le nombre est sacré dans un journal. S’il est déjà du métier, il se sentira chez lui dans cette salle de rédaction semblable à toutes les salles de rédaction de l’Amérique. Si c’est un novice, il tremblera de tous ses membres en entendant au-dessus de la sourde clameur des machines les vociférations du chef de l’information ; il aura la nausée. Abandonné dans son coin, il aspirera de toute son âme au jour où au lieu de lui dire « monsieur », on accueillera son entrée par un chapelet de jurons cordiaux.

Le rédacteur en chef se rappelle le jour où, muni de ses diplômes, il est allé frapper à la porte du directeur d’un journal de Montréal. C’était sa troisième visite en une semaine. Surpris sans doute de son acharnement, le directeur l’avait invité à venir le lendemain subir un examen. Il avait rédigé son propos nerveusement, imaginant qu’on chronométrait son travail. Puis, il courut porter les feuilles qu’il venait de noircir à un personnage à visière qui occupait une longue table, sous une fenêtre, et qu’il supposait être le directeur de l’information. Sans le regarder, ce dernier lui dit : « Met-