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Page:Charbonneau - Les Désirs et les jours, 1948.djvu/180

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LES DÉSIRS

ques camarades de rencontre et de dormir autant qu’il le pouvait. Il ne connaissait pas d’autre forme de délassement.

La veille, à Montréal, il était entré chez un tailleur italien et avait commandé douze complets. Le tailleur n’avait même pas bronché, habitué qu’il était à tous les genres de clients, depuis le père de famille dont l’épouse veut faire rabattre les prix, jusqu’aux joueurs qui commandent des flanelles presque roses.

— Ah, monsieur, dit le tailleur, on ne sait plus s’habiller. Les hommes manquent d’audace dans l’habillement.

Tout en parlant, il avait débarrassé le jeune homme de son veston et prenait la mesure de sa poitrine. Il s’arrêta tout à coup et se planta en face de son client.

— Toutes les femmes sont à l’homme qui sait s’habiller, dit-il. J’ai un client, il me dit : « Tony, j’ai tourné la tête de deux, de trois, de cinq femmes avec ton dernier complet. » Et lui, il faut bien le dire, il n’a que l’habit. Ah ! laissez-moi faire ! Remettez-vous-en à moi de tout, excepté la chaussure. Mais je vous enverrai chez un bottier de mes amis, un type dans mon genre…