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Page:Charbonneau - Les Désirs et les jours, 1948.djvu/210

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LES DÉSIRS

Non, il n’aurait pas choisi cette toute petite valise pour un si grand voyage, au bout du néant. Et puis, tout dans la pièce indique que celui qui se disposait à partir, ne pensait pas être dérangé dans ses préparatifs. Il se hâtait vers l’éternité, vers l’auteur de la nature, l’auteur de la nature ? le néant, l’autorité, non ce n’est pas ce mot, je l’avais tout à l’heure, l’éternité, l’éternité. Il a laissé la valise ouverte ; il a ensuite posé le nécessaire de toilette sur la chaise et il est parti pour aller à cet endroit de sa mort. Tous ses préparatifs ont été vains, c’est ce que dit au regard, en entrant, la valise ouverte sur le tapis et le nécessaire sur la chaise. Pierre ressent soudain devant cette valise le désir irrésistible de partir à son tour. Il s’approche de la table, vérifie la présence du tube à barbe et des lames dans le nécessaire. On frappe. Il est paralysé de frayeur.

Il ouvre les yeux. Il gît par terre dans une pièce qu’il ne reconnaît pas. Il a l’impression d’être entouré de vapeurs très denses, où percent de petites flammes, sans aucun soutien, comme on en voit dans certaines peintures religieuses. Au même moment, il ressent une vive douleur au poumon et s’éveille avec l’idée arrê-