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Page:Charbonneau - Les Désirs et les jours, 1948.djvu/213

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ET LES JOURS

duit avec des intermittences, depuis sa fuite de la chambre enfumée. « Tu ne dois pas t’arrêter ». Il s’entend répéter cette phrase toute simple et, profitant d’une accalmie, il s’élance sur la chaussée. « Tu ne dois pas t’arrêter ! tu ne dois pas t’arrêter ! » Il atteint en titubant la bordure du trottoir opposé et ayant de nouveau rassemblé ses forces, il ouvre la porte du restaurant. « Un verre d’eau », demande-t-il. Mais sans doute sa voix n’atteint-elle pas la serveuse. Cependant devant sa pâleur, elle comprend qu’il est malade. Après un temps qui lui paraît trop long, elle lui apporte de l’eau. Il entend rire, un rire familier… le sien. Il tente de soulever le verre, mais sa main tremble et retombe sans force. « Assoyez-vous », dit quelqu’un. On lui apporte une chaise. Mais il répète : « Tu ne dois pas t’arrêter ». La serveuse porte le verre à ses lèvres. L’eau pure, miroitant au soleil, lui brûle la langue. Il est ébloui et se retient au bord du comptoir. Il parvient à articuler : « Merci » et sort dans la rue. « Il faut demander une ambulance », dit une voix. Mais déjà, il a fui.

Il fait chaud. Il lui semble que tout le monde le regarde. Il s’engage dans la première ruelle