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Page:Charbonneau - Les Désirs et les jours, 1948.djvu/219

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ET LES JOURS

pitié pour le malheureux vieillard. En fait, depuis la mort d’Eugénie, il a purgé son cœur de toute haine.

Il se rappelle la visite du tribun au journal. Le vieillard paraissait inquiet et abattu. Pressentait-il sa fin prochaine ? La sueur perle au front du jeune homme. Se peut-il que son père adoptif ait été assassiné ? En imagination, Pierre se voit déjà dans la boîte aux accusés. Louise est là, dans la salle, en vêtements de deuil, épiant sur le visage de son ami les sentiments mêlés qui agitent son âme.

Non ! Il doit éviter même de penser à cela. « Pauvre vieux Bernard ! Ce n’était pas un mauvais bougre. » « C’est moi qui ai fait Prieur et je puis le défaire », disait-il. Il l’a peut-être dit trop haut. Il a peut-être été entendu. Des gens puissants comptaient sur Auguste. On a tué le tribun pour l’empêcher de mettre sa menace à exécution. Non.

Et Lancinet ? L’idiot est incapable de tuer un homme en face ; mais l’assommer dans son sommeil et mettre le feu… Alors, Pierre se rappelle les confidences qu’il a faites à l’idiot sur son père adoptif, la haine qu’il lisait dans les