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LES DÉSIRS

— Si tu passes, lui crie Massénac, je me donne à toi, corps et âme.

Ils ont chacun leurs témoins. Auguste s’avance avec assurance, se servant de sa canne à pêche comme d’un balancier. Au moment de poser le pied à terre, il ressent une exaltation extraordinaire. Ce succès est un présage ; s’il réussit, il sera un jour un grand homme.

— Tu es mon serviteur, dit-il à son ami médusé. Ils sont tous témoins. Si tu as une parole, tu es à moi corps et âme.

Pierre se ferait tuer pour Auguste à cause de ce pari, et c’est cela que le jeune Prieur ne sent pas. « Il ne sent pas les choses ; il ne peut que les comprendre », pense Pierre.

Massénac est convaincu qu’Auguste n’a pas de cœur. C’est le reproche que font les gens sensibles à ceux qui ont l’intelligence vive et qui, tout en ayant du cœur, le subordonnent à la raison quand il ne s’agit pas de choses qui les touchent directement. Leur pitié ne s’émeut pas aussi facilement que celle des gens dont le cœur gouverne toute la vie.

Auguste, vif et enjoué dans la discussion, alors que Pierre est lent, que son imagination est plus grossière, ne manque jamais une occa-