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Page:Charbonneau - Les Désirs et les jours, 1948.djvu/74

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LES DÉSIRS

à croire qu’elle a mérité cette souffrance et cette mort. Elle accepte de n’être pas aimée, parce qu’elle n’en est pas digne.

Dans un rêve, elle se revoit, jeune et gaie. Malgré ses vifs désirs, elle n’a pas d’enfant. Elle revoit, comme si elle était là, sa femme de ménage, Caroline, une pauvre fille un peu folle qui, à vingt ans, a épousé un vieillard qu’elle soigne avec dévotion et que, par son travail, elle fait vivre. Ils ont un fils que Caroline adore. Caroline a le teint jaune ; ses cheveux ont prématurément blanchi, et elle n’a plus, selon l’expression populaire, que la peau et les os. Son fils est vêtu de velours et porte des bijoux d’enfant, ce qui achève d’accuser le contraste entre sa mère et lui.

— Il ne sera pas comme son père, dit-elle.

Pierre rit de ses petites dents et deux fossettes se creusent au coin de sa bouche. Sa mère le dévore de baisers. Eugénie dit :

— Ça ne vous fatigue pas, Caroline, de porter ce petit partout où vous allez. Il est bien lourd.

— Allez, ça me fatigue, madame Eugénie, mais je peux pas le laisser seul avec pépére, il s’ennuierait trop.

— Si vous me le laissiez une journée de temps