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Page:Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre - De la douceur, 1740.pdf/5

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Par quelle fatalité les hommes qui pouroient mettre à profit pour leur bonheur, l’avantaje qu’ils ont d’etre réunis en corps de ſocieté, ne ſont-ils ocupez le plus ſouvant qu’a s’incommoder, qu’à ſe nuire reciproquemant ? c’eſt faute de bien connoitre leur plus grand interêt, c’eſt faute d’etre doux ; c’eſt faute de douceur dans le commerce.

Au défaut des armes, nous ſaiziſſons d’autres moyens de nous vanjer : nous nous répandons en diſcours injurieux, nous ſemons des écrits ſatiriques ; & quel eſt le fruit de nos anportemans ? Les coups que nous portons, nous atirent les bleſſures que nous recevons, triſte etat & d’autant plus fâcheux, qu’il eſt notre propre ouvraje, lorſque nous manquons de douceur & de paſiance.

L’homme doux joüit d’un ſort fort tranquile : il ne bleſſe point l’amour propre des autres : il ne heurte point les paſſions ; dans l’adverſité on ne le voit point eclater en mur-