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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

immédiatement trois idées différentes. L’image du centre, dont les lignes sont horizontales, caractérise le calme ; celle de gauche, dont les lignes sont expansives, exprime un sentiment de gaieté ; celle de droite, dont les lignes sont convergentes, répond à un sentiment de tristesse.

À ces trois images se rattachent encore d’autres idées : à la première, les idées d’équilibre, de durée et de sagesse ; à la seconde, les idées d’expansion, d’inconstance et de volupté ; à la troisième, les idées de méditation, de recueillement et d’orgueil. Que si, au lieu de ces lignes arides et déjà si expressives, nous dessinions trois figures, nous aurions des symboles vivants de trois états caractéristiques de l’âme humaine : la sagesse, la volupté, l’orgueil. Ces trois sentiments étaient exprimés dans la religion antique par les trois déesses qui se disputèrent le prix de la beauté : Minerve, Venus et Junon.

Ces observations sur l’horizontalité ou l’obliquité des lignes de la face ont été faites par un écrivain original et profond, Humbert de Superville (Signes inconditionnels de l’art) ; elles auront leur application dans le cours de cet ouvrage. Mais celles que fournit l’ensemble du corps, ce qu’on nomme la figure humaine, sont innombrables. En elles nous retrouverons le code de toutes les proportions, le répertoire de toutes les mesures, l’exemple et la loi de tous les mouvements, le tracé de toutes les courbes, le prototype de tous les arts du dessin. L’architecte y découvre, par analogie, les principes de son art. Pour lui, le corps humain est l’emblème d’un édifice qui a une façade et deux côtés ; qui est symétrique au dehors, mais non pas au dedans ; qui, étant plus haut que large, a un sens déterminé, et qui présente au sommet de son frontispice les parties les plus nobles, les plus belles et les plus ornées, c’est-à-dire les yeux qui révèlent l’âme, les narines qui annoncent la vie, et la bouche qui n’est pas le moins noble des organes, puisqu’elle est non seulement l’orifice des aliments du corps, mais l’instrument de la parole, qui est l’aliment de la pensée. Pour le sculpteur, le corps humain est le principal objet de ses imitations, le motif le plus élevé de ses études et le seul moyen par lequel il puisse exprimer fortement des pensées, des sentiments ou des caractères. Dans la peinture, qui est l’art universel, c’est la figure humaine qui joue encore le premier rôle ; c’est elle qui remplit de son image les représentations les plus hautes, les décorations les plus illustres, les drames de l’histoire et ceux de la vie. Enfin, si le mécanicien et le géomètre n’ont eu qu’à étudier le corps humain pour y trouver, l’un ses plus merveilleuses machines, l’autre toutes les figures de la géométrie, le triangle, le cercle, l’ovale, le trapèze, la sphère, le cône renversé, le cylindre, à son tour la céramique emprunte, des contours humains, la grâce de ses courbes. La ligne qui dessine les hanches d’une femme et finit à ses genoux fournit la forme la plus charmante des vases, le vase canopien.

L’antiquité, avec cette grâce naïve et forte qu’on ne retrouvera plus,