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DES PROPORTIONS DU CORPS HUMAIN.

a exprimé ces pensées sur la suprématie de l’homme dans un conte indien dont voici la substance :

« Il y avait une fois un jeune taureau qui, étant d’une beauté rare, faisait l’admiration de ses parents. Son père, au moment de mourir, lui dit : Tu peux parcourir le monde et te montrer partout ; tu ne trouveras pas un animal qui soit plus beau que toi ; mais tu en trouveras un beaucoup plus puissant : il s’appelle le roi des animaux. — Son père mort, le jeune taureau se mit en route, et, après deux jours de marche, il rencontra, au détour d’une forêt, un éléphant. Voilà sans doute l’animal dont mon père m’a parlé, se dit-il ; et, s’avançant vers lui, il le salua avec respect, l’appelant le roi des animaux. — C’est une erreur, répondit l’éléphant, je ne suis pas le roi des animaux ; mais, si tu veux cheminer quelque temps avec moi, je m’engage à te le faire voir… Tous les deux ils voyagèrent un jour entier, et, arrivés en un lieu désert, ils virent sortir d’une caverne un lion. — Celui-là, dit l’éléphant, est le roi des animaux… Le jeune taureau, pénétré d’admiration, s’avança humblement et présenta au lion ses hommages. — Vous vous trompez, dit le lion, ce n’est pas moi qui suis le roi des animaux ; mais, s’il vous plaît de me suivre, je vous le montrerai dans peu… Le taureau et l’éléphant suivirent le lion, qui, leur ayant fait traverser un bois, s’arrêta tout à coup à la vue d’un pâtre endormi qu’on apercevait au travers du feuillage. — Voilà le roi des animaux, dit le lion. — Celui-là ? reprit le taureau. — Silence ! fit le lion ; prends garde de le réveiller ; car, je te le dis et tu peux m’en croire, celui-là est notre maître : c’est lui qui est le roi des animaux. »


VII

DES PROPORTIONS DU CORPS HUMAIN.

Il existe une pierre gravée antique où l’on voit Prométhée modelant un squelette. Dans une autre pierre, le sculpteur est représenté mesurant sa statue, et, dans une autre encore, pesant les membres du corps humain. Ce sont là des témoignages irrécusables du profond respect des anciens pour les proportions et de la connaissance qu’ils en avaient. Avant de ravir le feu du ciel, Prométhée songeait à établir la charpente osseuse de l’homme, à mesurer tous ses membres, à les balancer selon les lois de la symétrie et de l’équilibre.

Le mot symétrie ne signifiait point chez les Grecs ce qu’il signifie dans notre langue, une exacte similitude entre les parties droites et les parties