Page:Charles Blanc-Grammaire des arts du dessin, (1889).djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
ARCHITECTURE.

bilisée en se transformant en bois de fer, en brique, en faïence, en porcelaine. Mais d’autres causes sont venues se joindre peut-être à cette réminiscence obstinée des origines, et concourir à déterminer un seul et même caractère dans l’architecture de la Chine. Une de ces causes n’est-elle pas la conformation physique de la face humaine dans la race chinoise, chez laquelle l’obliquité des organes doubles est si sensible et présente une si frappante analogie avec la physionomie riante de leurs constructions, aussi bien qu’avec leurs coiffures et leurs chaussures, suivant la curieuse observation faite par Humbert de Superville, dans les Signes inconditionnels de l’art ?

En ce qui touche les matériaux employés par les Chinois, nul doute que ces matériaux n’aient influé sur l’aspect de légèreté et de gaieté qui distingue leurs édifices. Bâties généralement en bois et en bambous, les constructions publiques ou privées de la Chine ne peuvent se conserver qu’à la condition d’être peintes : sous les mille couleurs dont elles sont diaprées, sous le vernis qui les fait reluire, elles ressemblent à de jolis meubles de grande dimension, percés à jour, ou plutôt à des cages dont les barreaux seraient les colonnes et les solives de la charpente. Quant à leurs tours de porcelaine, elles ont, quoique plus solides qu’on ne penserait, un caractère évident de fragilité, de sorte qu’on les prendrait pour d’immenses jouets d’enfants. L’architecture même de ce pays étrange semble sourire comme la figure de ses habitants ; au lieu d’offrir l’apparence de la solidité, elle n’en offre que l’ironie.

Comme l’architecture de l’Inde, celle de l’Égypte a eu pour point de départ, selon toute apparence, l’excavation dans le roc. Là aussi, l’amoncellement extérieur des matériaux a pu conduire à l’idée de la pyramide, et cette forme, qui est par excellence la forme de la solidité, convenait d’autant mieux au génie particulier des Égyptiens qu’ils bâtissaient toujours avec la croyance à l’immortalité et dans l’espoir d’assurer à leurs constructions leur durée éternelle. Mais, à part ces monuments qui furent des tombeaux sans doute, et dont la signification était symbolique, comme celle des obélisques, tous les édifices de l’Égypte sont terminés en terrasses, et de grandes lignes horizontales y accusent le développement de la dimension en largeur. Cette disposition est expliquée par la nature d’un climat sous lequel la pluie est presque inconnue. D’autre part, une architecture aussi massive, aussi colossale, n’était possible que dans un pays où abondent les montagnes de calcaire, les roches de grès et de granit. Voilà donc une grande variété d’aspect qui déjà résulte de la température et qui tient à la qualité des matériaux disponibles. Cependant les idées, la religion, la physionomie morale des Égyptiens, durent subir à leur tour l’influence du caractère physique de l’Égypte. Ce ciel d’un azur invariable, ce Nil imposant et monotone dont les inondations mêmes étaient régulières et prévues, l’inaltérable