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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

flammes, et les éléments massifs d’un édifice en bronze prendre les formes capricieuses d’un immense décor. Quoi qu’on puisse dire pour justifier cette fantaisie décorative, il est certain que les colonnes torses sont intolérables en architecture, à moins qu’on ne les emploie dans les petites parties, là où le regard n’a pas besoin d’être rassuré, par exemple dans les meneaux d’une fenêtre ou dans les chambranles d’une cheminée. Laugier compare judicieusement ces colonnes aux jambes estropiées d’un bancroche, parce qu’en effet c’est l’ossature même du support qui semble avoir fléchi, et que les colonnes torses, telles que Bernin les a faites, ne présentent pas seulement une torsion, mais une contorsion. Ce n’est donc pas à dire absolument que la colonne ne puisse jamais revêtir l’apparence d’un corps dont les surfaces ont tendu au léger mouvement d’une spirale très allongée, comme on en voit des modèles dans le moyen âge. Si la colonne a tourné autour de son axe, mais que l’axe lui-même semble n’avoir pas tourné, la verticale persiste, les yeux sont satisfaits, et l’architecture a pu s’enrichir d’une expression nouvelle.

Tout ce qui précède s’applique à la colonne en général ; mais il y a divers genres de colonnes, et chacun de ces genres, comme nous le verrons dans les propositions suivantes, a ses lois spéciales, son expression particulière et, pour ainsi dire, son costume propre.



XIII

LA VARIÉTÉ DES SUPPORTS ÉTANT COMMUNE À PLUSIEURS ARCHITECTURES, IL CONVIENT DE LES DISTINGUER ENTRE ELLES PAR LA FORME ET LE CARACTÈRE DES PARTIES SUPPORTÉES, ET QUELLE QUE SOIT LA DIVERSITÉ DE CES PARTIES DISTINCTIVES, ON PEUT LES RAMENER À DEUX SYSTÈMES PRINCIPAUX : LA PLATE-BANDE ET L’ARC.


Toute architecture a pour supports verticaux des murs, des piliers ou des colonnes ; mais il y a différentes manières de fermer la partie supérieure de l’édifice, c’est-à-dire de couvrir l’espace qui sépare les colonnes ou les murs. Le mode le plus simple, celui qui s’est offert le premier à l’esprit des hommes, consiste à poser sur les supports verticaux des pierres horizontales assez grandes pour réunir deux points d’appui. Quand les supports se touchent et forment un mur, un seul rang de pierres suffit à couvrir l’édifice. Telle est la construction des monuments druidiques de l’ancienne Gaule, notamment ceux de la Roche-aux-Fées, en Bretagne. Quand les supports sont des piliers ou des colonnes, il faut superposer l’un à l’autre deux rangs de pierres. Les pierres du premier rang portent immédiatement sur les points d’appui et par conséquent laissent entre